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COSYBU

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INTRODUCTION

La notion de normes internationales du travail est apparue à une date relativement récente de l’histoire mondiale. La révolution industrielle du XIXe siècle et le mouvement des idées qui s’en est suivi ont en quelque sorte servi de catalyseur à l’évolution des droits de l’homme à l’échelon international et en particulier des normes internationales du travail. A mesure que le coût humain de l’industrialisation se précisait, on a pris de plus en plus conscience de la nécessité de protéger les travailleurs et d’adopter un ensemble universel de normes internationales assurant une protection égale pour tous. Dans le même temps, les industriels craignaient de perdre leur avantage concurrentiel s’ils amélioraient unilatéralement les conditions de travail, d’où la nécessité d’adopter une réglementation sociale internationale de façon à mettre toutes les parties sur un pied d’égalité.

L’Organisation internationale du Travail (OIT) a été créée en 1919 dans le dessein, précisément, de promouvoir la justice sociale. La Déclaration de Philadelphie de 1944 a précisé et développé ce principe d’action. Les principaux moyens d’action ont consisté à adopter des normes internationales se présentant sous la forme de conventions qui, tout comme les traités, comportent des obligations incombant aux Etats Membres qui les ont ratifiées, ainsi que des recommandations. Le principe selon lequel les normes du travail constituent un pilier fondamental du développement et de la paix est inscrit dans la Constitution de l’OIT. L’application des normes est considérée comme un facteur crucial pour la stabilité sociale, le progrès économique et une paix durable.

L’un des aspects originaux des normes mises au point par l’OIT, aspect qui les distingue des autres normes internationales, est le tripartisme. La participation des gouvernements, aux côtés des organisations les plus représentatives des travailleurs et des employeurs, est un élément essentiel du fonctionnement de l’OIT. En dépit des aspects parfois conflictuels du tripartisme, la participation des trois parties est indispensable si l’on veut trouver un terrain d’entente en vue de réaliser les objectifs sociaux et économiques. Les normes adoptées grâce au tripartisme reflètent un certain dynamisme et une certaine universalité du fait qu’elles ont été approuvées grâce à un processus de consultation et qu’elles résultent d’une conjonction des diverses opinions

exprimées par les différentes parties. De ce fait, les normes adoptées peuvent être plus facilement adaptées à des situations économiques et sociales différentes, sans perdre pour autant de leur universalité. Par ailleurs, les

droits des travailleurs sont étroitement liés à toute la gamme des autres droits de la personne humaine, lesquels perdraient beaucoup de leur substance s’ils n’étaient solidement fondés sur les droits économiques et sociaux fondamentaux mis au point par l’OIT.

Il est important de souligner qu’il existe une législation internationale des droits de l’homme qui a été élaborée au cours des cinquante dernières années, élaboration dans laquelle l’OIT a joué un rôle essentiel, anticipant même toute la série des instruments et des mécanismes de contrôle internationaux qui ont été mis en place à l’échelon universel et à l’échelon régional au cours du XXe siècle. En 1919, la Constitution de l’OIT établissait le droit d’association des travailleurs et des employeurs et le principe de rémunération égale à travail égal; en 1930, la 14e session de la Conférence internationale du Travail (CIT) a adopté la convention (nº 29) sur le travail forcé.

En 1948, les Nations Unies ont adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme qui énonce les principaux principes des droits de l’homme, mais sans les développer. Quelques mois auparavant, la CIT avait adopté la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, qui régit le droit d’association des travailleurs et des employeurs. Avant même l’adoption des pactes internationaux de 1966 des Nations Unies, la CIT avait déjà adopté d’autres conventions détaillées sur les droits de l’homme: la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 100) sur l’égalité de rémunération, 1951, la convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, et la convention (nº 111)

concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. Plus récemment, la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, a complété la protection des enfants assurée par la convention (nº 138) sur

l’âge minimum, 1973. Un autre aspect marquant des normes de l’OIT est le système d’application de ces instruments qui comportent un mécanisme de contrôle à plusieurs étages, lequel est considéré comme l’un des moyens de contrôle les plus efficaces au niveau international. Afin d’assurer l’intégration des normes dans le droit national, on a, au fil des ans, mis au point un certain nombre de mécanismes. Ceux-ci comprennent un système de supervision régulier en vertu duquel les Etats Membres qui ont ratifié les conventions sont tenus de présenter des rapports périodiques selon un calendrier déterminé. Les rapports sont étudiés par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR), organisme indépendant composé de 20 experts indépendants hautement qualifiés dans le domaine juridique ou social. La Commission tripartite de la Conférence de l’application des normes examine ensuite le rapport de la CEACR. En outre, des mécanismes de contrôle spéciaux permettent d’examiner les plaintes contenant des allégations spécifiques portées contre un Etat Membre. La procédure correspondante est établie par les articles 24 et 26 de la Constitution de l’OIT qui concernent les cas de non-observation des obligations découlant d’une convention ratifiée. En outre, des allégations concernant les atteintes aux principes de la liberté syndicale peuvent être formulées à l’encontre des gouvernements, même si les pays en question n’ont pas ratifié les conventions dont il s’agit. Lorsque la période de guerre froide s’est terminée vers la fin des années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix, l’OIT a jugé qu’il convenait de réétudier la place que l’Organisation devait occuper dans un contexte global en évolution. L’Organisation a alors décidé qu’elle devait accorder un ordre de priorité plus élevé à la promotion des principes et droits fondamentaux. Après discussion, il a été décidé que huit conventions concernant la liberté d’association, le travail forcé, l’égalité dans l’emploi et l’égalité de chances, et le travail des enfants reflétaient des principes et droits fondamentaux qui étaient directement ou indirectement exprimés dans la Constitution de l’OIT. Bien que ces instruments aient été distingués des autres, le seul changement juridique était l’obligation de faire rapport tous les deux ans, au titre du système de contrôle ordinaire, au lieu d’une périodicité de cinq ans comme c’était le cas pour la plupart des autres conventions.

Il convient de distinguer les normes internationales du travail concernant les principes et droits fondamentaux, ainsi que le système de contrôle de l’OIT, d’une part, et, d’autre part, la Déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi. Bien que les conventions fondamentales expriment les principes figurant dans la Constitution de l’OIT, ladite Déclaration, qui est un instrument promotionnel, relève d’une toute autre approche. Elle est en effet destinée essentiellement à aider les Etats à appliquer les principes et droits fondamentaux grâce à la coopération technique. 

Indépendamment de ses activités de coopération technique, l’OIT publie cette année un rapport global sur l’un des quatre principes fondamentaux, rapport qui constitue un élément d’appréciation destiné à mieux cibler les activités de coopération technique de l’OIT. Ce rapport est également un instrument d’autoévaluation qui permet aux Etats Membres de savoir quels progrès ont été réalisés pendant une période quadriennale. La Déclaration fixe un cadre de référence entièrement nouveau car elle est ainsi conçue:

 …l’ensemble des Etats Membres, même lorsqu’ils n’ont pas ratifié les conventions en question, ont l’obligation de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l’objet desdites conventions, à savoir:

a) la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective;

b) l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire;

c) l’abolition effective du travail des enfants;

d) l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession.

Les chapitres qui suivent passent en revue les normes fondamentales, ainsi que d’autres normes pertinentes qui les concernent directement. On y trouvera également un résumé des principaux principes de la CEACR. En outre, ces chapitres informent sur l’application pratique des normes et sur les principaux problèmes rencontrés à cet égard. A la fin de chaque chapitre, un tableau indique le nombre de ratifications des conventions fondamentales et des conventions connexes, ainsi que les principales décisions du Conseil d’administration sur le statut de ces instruments, y compris les recommandations pertinentes.

En conclusion, il convient de souligner que la notion de travail décent, qui est au cœur même de la stratégie de l’OIT, repose essentiellement sur le  respect des principes fondamentaux au travail. En fait, cette stratégie pourrait aussi être exprimée par les mots suivants «le respect des droits mène à un travail décent», étant entendu que, bien que les problèmes et débats liés à la mondialisation ne présentent aucun caractère de nouveauté, il importe de les considérer désormais et plus spécialement sous l’angle des droits de l’homme.

Jean-Claude Javillier,

Directeur du Département des normes internationales du travail

 

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