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COSYBU

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LIBERTÉ SYNDICALE

B. Gernigon, A. Odero et H. Guido 2

 

2.1. INTRODUCTION

 

Dans son Préambule, la Constitution de l’OIT (1919) a affirmé le principe de la liberté syndicale parmi les moyens susceptibles d’améliorer la condition des travailleurs et d’assurer la paix. En 1944, la Déclaration de Philadelphie – qui fait partie de la Constitution de l’OIT – affirmait que «la liberté d’expression et d’association est une condition indispensable d’un progrès soutenu» et soulignait qu’il s’agissait d’un des «principes fondamentaux sur lesquels est fondée l’Organisation». En juin 1998, la Conférence internationale du Travail a adopté la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi. Il est déclaré dans ce texte que «l’ensemble des Membres, même lorsqu’ils n’ont pas ratifié les conventions [fondamentales], ont l’obligation, du seul fait de leur appartenance à l’Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément

à la Constitution, les principes concernant les droits fondamentaux ». Parmi ces principes figurent la liberté syndicale de même que la reconnaissance effective du droit de négociation collective. La Déclaration considère comme fondamentaux les principes de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. 

Un résumé des instruments pertinents de l’OIT figure dans le tableau 2.1. La liberté syndicale et la négociation collective revêtent une importance capitale pour les partenaires sociaux puisqu’elles leur permettent d’établir des règles en matière de conditions de travail, y compris les salaires, ainsi que de promouvoir des revendications plus générales.

 

2.2. CONTENU DES NORMES RELATIVES

À LA LIBERTÉ SYNDICALE

 

2.2.1. Droit syndical, autonomie des organisations et non-intervention des autorités

La convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, s’applique aux travailleurs et aux employeurs et à leurs organisations, et consacre les droits et garanties suivants: 

● Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.

● Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action. Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal.

● Les organisations de travailleurs et d’employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative.

● L’acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs et d’employeurs, leurs fédérations et confédérations, ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l’application des dispositions antérieures.

● Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit de constituer des fédérations et des confédérations ainsi que celui de s’y affilier. Les quatre dispositions antérieures s’appliquent aux fédérations et aux confédérations des organisations de travailleurs et d’employeurs.

● Toute organisation, fédération ou confédération a le droit de s’affilier à des organisations internationales de travailleurs et d’employeurs.

● Dans l’exercice des droits qui leur sont reconnus par la convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l’instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité. La législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention.

● La mesure dans laquelle les garanties prévues par la convention s’appliqueront aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation nationale.

● Le terme «organisation» signifie toute organisation de travailleurs ou d’employeurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs ou des employeurs.

● Tout Membre de l’Organisation internationale du Travail pour lequel la convention est en vigueur s’engage à prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d’assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical.

2.2.2. Protection contre les actesde discrimination et d’ingérence

La convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, consacre, en matière de protection du droit syndical, les garantiessuivantes1:

● Les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi.

● Une telle protection doit notamment s’appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de:

– subordonner l’emploi d’un travailleur à la condition qu’il ne s’affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d’un syndicat;

– congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l’employeur, durant les heures de travail.

● Les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration.

● Sont notamment assimilées à des actes d’ingérence des mesures tendant à provoquer la création d’organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d’employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d’un employeur ou d’une organisation d’employeurs.

La convention prévoit que «des organismes appropriés aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit d’organisation» défini par les dispositions précédentes. En ce qui concerne le champ d’application de la convention, ses dispositions établissent que la mesure dans laquelle les garanties prévues par la convention s’appliqueront aux forces armées ou à la police sera déterminée par la législation nationale. En outre, la convention ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics et ne pourra, en aucune manière, être interprétée comme portant préjudice à leurs droits ou à leur statut.

 

2.2.3. Protection et facilités à accorder aux représentants des travailleurs

 

La convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, complète les dispositions de la convention nº 98 en matière de discrimination antisyndicale car celle-ci se référait à la protection dont doivent jouir les travailleurs ou les affiliés, mais ne traitait pas spécialement de la question de la protection des représentants des travailleurs ni des facilités nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. 

Aux fins de la convention nº 135, ces représentants peuvent être, en fonction de la législation ou de la pratique nationales, des représentants nommés ou élus par des syndicats ou des représentants librement élus par les travailleurs de l’entreprise (mais, dans ce dernier cas, leurs fonctions ne doivent pas s’étendre à des activités qui sont reconnues dans les pays intéressés comme relevant des prérogatives exclusives des syndicats). Le ou les types de représentants en question peuvent être déterminés par la législation, les conventions collectives, les sentences arbitrales ou les décisions judiciaires.

Quant à la protection des représentants des travailleurs dans l’entreprise, la convention dispose qu’ils «doivent bénéficier d’une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur».

La recommandation (nº 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, énumère, à titre d’exemples, un certain nombre de mesures en vue d’une protection efficace contre des mesures estimées injustifiées: définition détaillée et précise des motifs de licenciement, consultation ou avis préalable d’un organisme indépendant ou paritaire, procédure spéciale de recours, réparation efficace en cas de licenciement injustifié, y compris la réintégration avec versement des salaires non payés et maintien des droits acquis (si ce n’est pas contraire aux principes fondamentaux du droit du pays intéressé), fardeau de la preuve pour l’employeur, reconnaissance d’une priorité à accorder au maintien de l’emploi des représentants des travailleurs

en cas de réduction du personnel. Selon la recommandation, la protection visée dans la convention pourrait aussi être accordée aux travailleurs candidats pour être élus ou nommés représentants des travailleurs.

La convention prévoit aussi que des facilités doivent être accordées dans l’entreprise aux représentants des travailleurs, de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions. A cet égard, il doit être tenu compte des caractéristiques du système de relations professionnelles prévalant dans le pays ainsi que des besoins, de l’importance et des possibilités de l’entreprise intéressée. La convention souligne que l’octroi de telles facilités ne doit pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise en question.

La recommandation (nº 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, énumère un certain nombre de facilités à accorder aux représentants syndicaux des travailleurs: octroi de temps libre sans perte de salaire ni de prestations; accès aux lieux de travail, à la direction de l’entreprise et aux représentants de la direction autorisés; autorisation de recueillir les cotisations syndicales; affichage des avis syndicaux; distribution aux travailleurs des documents du syndicat; facilités d’ordre matériel et informations nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. La recommandation prévoit des garanties en faveur des employeurs pour que les facilités n’entravent pas le fonctionnement efficace de l’entreprise. La recommandation prévoit pour

les représentants (des travailleurs) élus des facilités analogues à celles des représentants syndicaux.

L’application des dispositions de la convention nº 135 peut être assurée par voie de législation, de conventions collectives ou de toute autre manière qui serait conforme à la pratique nationale. 

La convention prévoit que «la présence des représentants élus ne pourra servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentants » et, en même temps, «encourage la coopération, sur toutes questions pertinentes, entre les représentants élus, d’une part, et les syndicats intéressés et leurs représentants, d’autre part».

2.2.4. Droits syndicaux des organisations des travailleurs ruraux

La convention (nº 11) sur le droit d’association (agriculture), 1921, prévoit que les Etats qui la ratifient s’engagent à «assurer à toutes les personnes occupées dans l’agriculture les mêmes droits d’association et de coalition qu’aux travailleurs de l’industrie, et d’abroger toute disposition législative ou autre ayant pour effet de restreindre ces droits à l’égard des travailleurs agricoles». Cette protection était donc de portée très limitée. Il a donc paru nécessaire par la suite de consacrer un instrument spécifique aux travailleurs ruraux.

La convention (nº 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975, associe les organisations de travailleurs ruraux aux tâches de développement économique et social afin d’améliorer, de façon durable et efficace, leurs conditions de travail et de vie.

Cette convention s’applique aux organisations de travailleurs ruraux (y compris celles qui ne se limitent pas à ces travailleurs mais qui les représentent), aux travailleurs ruraux et salariés et, sous certaines conditions, aux fermiers, métayers ou petits propriétaires exploitants, même s’ils travaillent à leur compte.

La convention nº 141 consacre le droit des travailleurs ruraux de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier, notamment en vue de participer au développement économique et social, et de bénéficier des avantages qui en découlent. Ces organisations doivent être indépendantes, établies sur une base volontaire et n’être soumises à aucune ingérence, contrainte ou mesure répressive. La convention réitère les principes de la convention nº 87 sur le respect de la légalité et sur l’obtention de la personnalité juridique. En vertu de la convention, les Etats doivent encourager le développement d’organisations fortes et indépendantes et éliminer les discriminations. Cela doit être un des objectifs de la politique nationale

de développement rural, et l’Etat doit promouvoir la plus large compréhension possible de la nécessité de développer ces organisations ainsi quede la contribution qu’elles peuvent apporter.

La recommandation (nº 149) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975, développe les principes de la convention nº 141. Elle signale notamment que ces organisations devraient représenter les travailleurs ruraux et défendre leurs intérêts en procédant à des négociations et des consultations à tous les niveaux, y compris en ce qui concerne les programmes de développement rural et la planification nationale. Les organisations devraient être associées aux procédures de planification et au fonctionnement des autorités compétentes.

La recommandation souligne le rôle des organisations de travailleurs ruraux dans l’accès de ceux-ci à des services (crédits, transports, etc.), dans l’amélioration de l’éducation, de la formation et des conditions de travail, et dans le développement de la sécurité sociale et des services sociaux de base. La recommandation consacre plusieurs paragraphes aux principes de la liberté syndicale, de la négociation collective et de la non-discrimination antisyndicale (y compris par rapport aux autres travailleurs et organisations), se réfère à la prise de contact des organisations avec leurs membres dans le respect des droits de tous les intéressés, et préconise des systèmes de contrôle appropriés pour assurer l’application de la législation.

La recommandation prévoit que des mesures appropriées devraient être prises pour rendre possible la participation effective de ces organisations à la formation, à l’exécution et à l’évaluation des programmes de réforme agraire.

La recommandation énumère les mesures qui devraient ou pourraient être prises pour promouvoir une meilleure compréhension de la contribution que peuvent apporter les organisations de travailleurs ruraux dans les questions rurales et les moyens pour y parvenir (campagnes d’information, séminaires, etc.). Une partie de la recommandation consacre la formation des dirigeants et des membres des organisations de travailleurs ruraux en vue de la réalisation des objectifs signalés2.

Enfin, la recommandation signale que l’assistance financière ou matérielle aux organisations de travailleurs ruraux, notamment de la part de l’Etat, devrait être reçue d’une façon qui respecte leur indépendance et leurs intérêts, ainsi que ceux de leurs membres.

2.2.5. Droits syndicaux dans l’administration publique

La convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, a été adoptée en tenant compte du fait que la convention nº 98 ne vise pas certaines catégories d’agents de la fonction publique et que la convention nº 135 sur les représentants des travailleurs ne s’applique qu’aux représentants des travailleurs dans l’entreprise.

La convention nº 151 s’applique à toutes les personnes employées par les autorités publiques (dans la mesure où des dispositions plus favorables d’autres conventions ne leur sont pas applicables). Cependant, il appartient à la législation nationale de déterminer la mesure dans laquelle les garanties de la convention s’appliquent: 

1) aux agents de niveau élevé dont les  fonctions sont normalement considérées comme ayant trait à la formulation des politiques à suivre ou à des tâches de direction; 

2) aux agents dont les responsabilités ont un caractère hautement confidentiel; 

3) aux forces armées et à la police.

La convention nº 151 contient des dispositions similaires à celles de la convention nº 98 en ce qui concerne la protection contre la discrimination antisyndicale et les actes d’ingérence, et à celles de la convention nº 135 en ce qui concerne les facilités à accorder aux représentants des organisations d’agents de la fonction publique de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions (voir infra). En ce qui concerne ces facilités, leur nature et leur étendue, la recommandation (nº 159) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, fait référence à la recommandation (nº 143) (déjà analysée) concernant les représentants des travailleurs, 1971, indiquant qu’il conviendrait d’en tenir compte.

La convention nº 151 contient une disposition sur les procédures de détermination des conditions d’emploi qui est analysée (avec certaines dispositions de la recommandation (nº 159) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978) dans le chapitre de cette publication concernant la négociation collective3.

Enfin, la convention nº 151 établit que «les agents publics doivent bénéficier, comme les autres travailleurs, des droits civils et politiques qui sont essentiels à l’exercice normal de la liberté syndicale, sous la seule réserve des obligations tenant à leur statut et à la nature des fonctions qu’ils exercent».

2.2.6. Autres catégories de travailleurs

La convention (nº 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, établit le principe de non-discrimination des travailleurs migrants en ce qui concerne «l’affiliation aux organisations syndicales et la jouissance des avantages offerts par les conventions collectives». La recommandation (nº 100) sur la protection des travailleurs migrants (pays insuffisamment développés), 1955, signale qu’il conviendrait de reconnaître aux travailleurs migrants le droit d’association, le droit de se livrer librement à des activités syndicales, ainsi que «toutes mesures qui devraient être prises pour assurer aux organisations syndicales représentant les travailleurs intéressés le droit de conclure des conventions collectives». La recommandation (nº 151) sur les travailleurs migrants, 1975, réaffirme le principe de l’égalité effective de chances et de traitement des travailleurs migrants avec les nationaux en ce qui concerne l’appartenance aux organisations syndicales, l’exercice des droits syndicaux et l’éligibilité aux responsabilités syndicales et aux organes de relations professionnelles, y compris les organes de représentation des travailleurs dans les entreprises.

La convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, dispose que les gouvernements doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter toute discrimination en ce qui concerne «le droit d’association, le droit de se livrer librement à toutes activités syndicales non contraires à la loi et le droit de conclure des conventions collectives avec des employeurs ou avec des organisations d’employeurs».

La convention (nº 110) sur les plantations, 1958, dans ses parties IX et X, reproduit l’ensemble des principes contenus dans les conventions nºs 87 et 98.

La convention (nº 147) sur la marine marchande (normes minima), 1976, vise à ce que la législation prévoie, dans les bateaux immatriculés dans le territoire de l’Etat qui la ratifie, la vérification des dispositions de la législation de sorte qu’elles «équivalent, dans l’ensemble, aux conventions ou aux articles de conventions auxquels il est fait référence dans l’annexe» à la

convention, et qui incluent les conventions nºs 87 et 98.

La recommandation (nº 155) sur la marine marchande (amélioration des normes), 1976, stipule que «des mesures devraient être prises, au besoin par étapes, afin que cette législation ou, le cas échéant, ces conventions collectives contiennent des dispositions au moins équivalentes aux dispositions des instruments énumérés dans l’annexe» à la recommandation, qui inclut la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

 

2.2.7. Normes faisant référence à la grève

La grève est mentionnée dans la convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, et dans la recommandation (nº 92) sur la conciliation et l’arbitrage volontaires, 1951. Le premier instrument interdit toute forme de travail forcé ou obligatoire «en tant que punition pour avoir participé à une grève» (art. 1 d)). Le second invite à ne pas recourir à la grève pendant les procédures de conciliation ou d’arbitrage (paragr. 4 et 6) et précise qu’aucune de ses dispositions ne «limite d’une manière quelconque le droit de grève» (paragr. 7).

 

2.3. SYNTHÈSE DES PRINCIPES DE LA COMMISSION D’EXPERTS

 

Les normes et les principes concernant la liberté syndicale résultant des conventions et des recommandations de l’OIT, et les principes établis par la commission d’experts à partir de ces instruments peuvent être résumés de la manière suivante.

2.3.1. Droits syndicaux et libertés civiles

● Les conventions internationales du travail, et notamment celles qui concernent la liberté syndicale, ne peuvent être effectives que dans la mesure où sont aussi véritablement reconnues et protégées les libertés civiles et politiques consacrées par la Déclaration universelle des droits de l’homme et les autres instruments internationaux en la matière.

2.3.2. Droit des travailleurs et des employeurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier

● Le libre exercice de ce droit syndical comporte: l’absence de toute distinction (race, nationalité, sexe, statut matrimonial, âge, appartenance et activités politiques) en droit et dans la pratique quant aux titulaires du droit d’association; l’absence d’autorisation préalable pour la création des organisations et le libre choix de l’organisation par les intéressés.

● Les garanties de la convention nº 87 devraient s’appliquer à tous les travailleurs et employeurs, sans distinction d’aucune sorte, les seules exceptions prévues par la convention étant les forces armées et la police; les dispositions interdisant le droit syndical à des catégories particulières de travailleurs, par exemple les agents publics, les cadres, les employés de maison ou les travailleurs agricoles, sont incompatibles avec les prescriptions expresses de la convention.

2.3.3. Droit de constituer des organisations sans autorisation préalable

● Les formalités requises, telles celles qui visent à assurer la publicité juridique, ne doivent pas être si complexes ou si longues qu’elles donnent en pratique aux autorités un pouvoir discrétionnaire pour refuser la constitution des organisations; un recours judiciaire quant au fond, devant une instance indépendante et impartiale, devrait exister contre toute décision administrative de cet ordre.

2.3.4. Droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier

● Le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations de leur choix implique notamment le droit de prendre librement les décisions suivantes: choix de la structure et de la composition des organisations; création d’une ou plusieurs organisations pour une entreprise, une profession, une branche d’activité; constitution de fédérations et confédérations. Il découle de ce principe que si la convention n’a pas pour objet de rendre obligatoire le pluralisme syndical, ce dernier doit rester possible dans tous les cas, même si un régime d’unicité a été, à un moment donné, adopté par le mouvement syndical.

En conséquence, les régimes d’unicité ou de monopole syndical ne doivent pas être imposés par la loi.

● Sont en outre incompatibles avec l’article 2 de la convention nº 87 les restrictions excessives, en ce qui concerne l’effectif minimal.

2.3.5. Libre fonctionnement des organisations; droit d’élaborer les statuts et règlements

● Afin que ce droit soit pleinement garanti, deux conditions de base doivent être remplies: premièrement, la législation nationale ne doit prévoir que des exigences de forme en ce qui concerne les statuts syndicaux; deuxièmement, les statuts et règlements ne doivent pas faire l’objet d’une approbation préalable discrétionnaire par les autorités.

● L’existence d’un recours judiciaire en matière d’approbation des statuts n’est pas en soi une garantie suffisante. Les tribunaux devraient être compétents pour réexaminer le fond de l’affaire ainsi que les motifs à l’origine de la décision administrative.

2.3.6. Droit d’élire librement les représentants

● L’autonomie des organisations ne peut être réellement garantie que si leurs membres ont le droit d’élire en toute liberté leurs représentants; les autorités publiques devraient donc s’abstenir de toute intervention de nature à entraver l’exercice de ce droit, que cela concerne le déroulement des élections syndicales, les conditions d’éligibilité ou la destitution des représentants, ou la réélection.

● La réglementation de procédures et modalités d’élection des dirigeants syndicaux relève en priorité des statuts des syndicats; l’idée de base de l’article 3 de la convention nº 87 est de laisser aux travailleurs et aux employeurs le soin de décider des règles à observer pour la gestion de leurs organisations et pour les élections en leur sein.

● L’intervention des autorités dans l’exercice de ce droit ne devrait pas aller au-delà de la promotion de principes démocratiques au sein des organisations syndicales ou d’une garantie d’un déroulement normal de la procédure électorale dans le respect des droits des membres, afin d’éviter tout conflit au sujet des résultats des élections.

2.3.7. Droit des syndicats d’organiser leur gestion

● Le droit des organisations de travailleurs et d’employeurs d’organiser leur gestion en dehors de toute intervention des autorités publiques comprend notamment l’autonomie et l’indépendance financières et la protection des fonds et biens de ces organisations.

● Des problèmes de compatibilité avec la convention nº 87 se posent lorsque la loi fixe la cotisation minimum des adhérents, détermine la proportion des fonds syndicaux qui sera versée aux fédérations ou exige que certaines opérations financières, par exemple la réception de fonds en provenance de l’étranger, soient approuvées par les pouvoirs publics.

● Des problèmes de compatibilité se posent aussi lorsque les autorités administratives ont, à tout moment, le droit d’inspecter les livres et autres documents des organisations, d’effectuer des recherches et d’exiger des renseignements, si elles sont seules autorisées à opérer un contrôle, ou encore lorsque le contrôle est exercé par la centrale unique nommément désignée par la loi.

● La liberté de gestion reconnue aux organisations ne se limite pas aux opérations strictement financières mais comprend également le droit de disposer pleinement de tous leurs biens mobiliers et immobiliers, ainsi que le droit à l’inviolabilité de leurs locaux, de leur correspondance et de leurs communications.

2.3.8. Droit des organisations d’exercer librement leurs activités et de formuler leur programme d’action

● Ce droit comprend en particulier le droit de tenir des réunions syndicales, le droit des dirigeants syndicaux d’avoir accès aux lieux de travail et de communiquer avec des membres de la direction, certaines activités politiques des organisations, ainsi que le droit de grève4 et, plus généralement, toute activité relative à la défense des droits des membres.

● Le droit de grève exercé pacifiquement doit être reconnu de façon générale aux syndicats, fédérations et confédérations du secteur public comme à ceux du secteur privé; ce droit ne peut être refusé, le cas échéant, ou soumis à des restrictions importantes que pour les catégories ou dans les situations suivantes: membres des forces armées et de la police; fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; travailleurs des services essentiels au sens strict du terme (services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne); situations de crise nationale aiguë.

● Lorsque la législation fixe certaines conditions à la licéité de la grève, elles doivent être raisonnables et ne pas être telles qu’elles constituent une limitation importante aux possibilités d’action des organisations.

● Une protection appropriée doit être assurée aux dirigeants syndicaux et aux travailleurs contre les mesures dont ils pourraient faire l’objet (licenciement ou autres sanctions) pour avoir organisé des grèves légitimes et pacifiques ou y avoir participé5.

2.3.9. Droit des organisations de travailleurs et d’employeurs de constituer des fédérations et des confédérations et de s’affilier à des organisations internationales d’employeur set de travailleurs

● Les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent avoir le droit de constituer des fédérations et des confédérations de leur choix, qui devraient elles-mêmes jouir des divers droits reconnus aux organisations de base, notamment en ce qui concerne la liberté de fonctionnement, d’activités et de programme d’action.

● La solidarité internationale des travailleurs et des employeurs exige également que leurs fédérations et confédérations nationales puissent se regrouper et agir librement sur le plan international.

2.3.10. Dissolution et suspension des organisations

● Les mesures de suspension ou de dissolution par voie administrative constituent de graves violations aux principes de la liberté syndicale.

● La dissolution et la suspension des organisations syndicales constituent les formes extrêmes d’intervention des autorités dans les activités des organisations et devraient donc être entourées de toutes les garanties nécessaires; celles-ci ne peuvent être assurées que par une procédure judiciaire normale, qui assure les droits de la défense et qui devrait, par ailleurs, avoir un effet suspensif.

● S’agissant de la répartition du patrimoine syndical en cas de dissolution, les biens devraient être affectés aux finalités pour lesquelles ils ont été acquis.

 

2.3.11. Protection contre la discrimination antisyndicale

● La protection accordée aux travailleurs et aux dirigeants syndicaux contre les actes de discrimination antisyndicale constitue un aspect capital du droit syndical, puisque de tels actes peuvent aboutir dans la pratique à une négation des garanties prévues par la convention nº 87.

● L’article 1 de la convention nº 98 garantit aux travailleurs une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale, tant à l’embauche qu’en cours d’emploi, y compris lors de la cessation de la relation d’emploi, et couvre toutes les mesures préjudiciables liées à l’affiliation syndicale ou à la réalisation d’activités syndicales légitimes6.

● La protection de la convention est particulièrement importante dans le cas des représentants et dirigeants syndicaux, ceux-ci devant bénéficier de la garantie de ne pas subir de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent.

● L’existence de dispositions législatives générales interdisant les actes de discrimination antisyndicale est insuffisante en l’absence de procédures rapides, efficaces, peu coûteuses et impartiales qui en assurent l’application dans la pratique, assorties de sanctions suffisamment dissuasives.

● La protection contre les actes de discrimination antisyndicale peut être assurée par des moyens divers, adaptés à la législation et la pratique nationales, à condition qu’ils préviennent ou réparent efficacement la discrimination antisyndicale.

2.3.12. Protection adéquate contre les actes d’ingérence

● La législation devrait établir d’une manière expresse des recours rapides, assortis de sanctions efficaces et suffisamment dissuasives contre les actes d’ingérence des employeurs et leurs organisations à l’égard des organisations de travailleurs et vice versa.

2.4. APPLICATION DES NORMESET DES PRINCIPES DANS LA PRATIQUE

L’analyse du contenu des observations de la commission d’experts pour 2000 et 2001 relatives à l’application de la convention nº 87 permet de constater l’existence de commentaires pour 88 pays des 134 qui ont ratifié la convention.

Cependant, dans une majeure partie de ces pays, les problèmes observés ne mettent pas en cause gravement les principes de la liberté syndicale. Les questions traitées portent sur les restrictions au droit d’association de certaines catégories de travailleurs (fonctionnaires, marins, travailleurs des zones franches d’exportation, etc.) (40 pays). Un nombre significatif de pays disposent

de législations qui prévoient des restrictions sur les catégories de personnes pouvant exercer des fonctions syndicales (distinction entre nationaux et étrangers) (15 pays), des restrictions dans la libre élection de dirigeants syndicaux (12 pays), l’imposition d’un nombre excessif de travailleurs ou d’employeurs pour pouvoir constituer un syndicat ou une association d’employeurs (11 pays) et le déni d’enregistrement des organisations ou l’exigence d’une autorisation préalable (12 pays). Enfin, il y a un nombre moins élevé de commentaires concernant l’imposition par la législation du monopole syndical (huit pays), le déni du droit de constituer des fédérations et confédérations ou la limitation de leurs fonctions (sept pays), la dissolution des organisations par voie administrative (quatre pays) et l’interdiction de l’existence de plus d’un syndicat dans une seule entreprise ou secteur (cinq pays). Les commentaires portent en outre sur des restrictions à divers aspects du droit de grève (interdiction aux fonctionnaires autres que les fonctionnaires publics exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, imposition de l’arbitrage obligatoire, interdiction de la grève dans des services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme, déni des droits de grève aux fédérations et confédérations, imposition par le gouvernement de services minima sans consultation des parties).

En ce qui concerne l’application des dispositions de la convention nº 98 sur la protection contre les actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence, les observations de la commission d’experts pour 2000 et 2001 permettent de constater l’existence de commentaires critiques pour 34 des 148 Etats qui ont ratifié la convention. Les problèmes soulevés concernent surtout des législations qui ne contiennent pas des dispositions interdisant la discrimination antisyndicale (20 pays) ou les actes d’ingérence (12 pays) ou qui accordent une protection insuffisante, en particulier l’absence de procédures (cinq pays), ou de sanctions suffisamment dissuasives (12 pays); dans une moindre mesure, les problèmes concernent la lenteur des procédures de réparation et l’exclusion des garanties de la convention pour certaines catégories de travailleurs (cinq pays).

 

Notes

1 Le contenu de la convention nº 98 relatif à la négociation collective est traité au chapitre3.

2 En ce qui concerne l’éducation ouvrière, il convient de se référer à d’autres instruments.

La convention (nº 140) sur le congé-éducation payé, 1974, dispose que tout Membre devra formuler et appliquer une politique visant à promouvoir, par des méthodes adaptées aux conditions et usages nationaux et au besoin par étapes, l’octroi de congé-éducation payé à des fins (…) d’éducation syndicale. Cette politique devra tendre à contribuer, au besoin selon

des modalités différentes: 

a) à l’acquisition, au perfectionnement et à l’adaptation des qualifications nécessaires à l’exercice de la profession ou de la fonction ainsi qu’à la promotion et à la sécurité de l’emploi face au développement scientifique et technique et aux changements économiques et structurels;

b) à la participation compétente et active des travailleurs et de leurs représentants à la vie de l’entreprise et de la communauté;

c) à la promotion humaine, sociale et culturelle des travailleurs; et

d) d’une façon générale, à la promotion d’une éducation et d’une formation permanentes appropriées, aidant les travailleurs à s’adapter aux exigences de leur époque.

D’après la convention, le financement des arrangements relatifs au congé-éducation payé devra être assuré de façon régulière, adéquate et conforme à la pratique nationale.

La recommandation (nº 148) sur le congé-éducation payé, 1974, dispose, en ce qui concerne le financement des arrangements relatifs au congé-éducation payé, qu’il devrait être assuré de façon régulière, adéquate et conforme à la pratique nationale. Il devrait être reconnu que les employeurs, collectivement ou individuellement, les autorités publiques et les institutions

ou organismes d’éducation ou de formation, les organisations d’employeurs et de travailleurs pourraient être tenus de contribuer au financement des arrangements relatifs au congé-éducation payé, selon leurs responsabilités respectives.

La recommandation ajoute que la responsabilité du choix des candidats au congé-éducation payé à des fins d’éducation syndicale devrait appartenir aux organisations de travailleurs intéressées. En outre, elle dispose que, lorsque les travailleurs remplissent les conditions d’octroi du congé-éducation payé, la manière dont ils en bénéficieront devrait faire l’objet d’un accord entre les entreprises ou les organisations d’employeurs intéressées, d’une part, et les organisations de travailleurs intéressées, d’autre part, de façon à maintenir le bon fonctionnement des entreprises en cause.

Lorsque les programmes d’éducation syndicale sont organisés par les organisations syndicales elles-mêmes, celles-ci devraient avoir la responsabilité de l’élaboration, de l’approbation et de la mise en œuvre de ces programmes et, lorsque de tels programmes sont organisés par d’autres institutions ou organismes d’éducation, ils devraient être élaborés en accord avec

les organisations syndicales intéressées.

Par ailleurs, la recommandation (nº 150) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975, dispose que les Membres devraient s’efforcer, notamment, de créer des conditions permettant aux travailleurs de compléter leur formation professionnelle par une formation syndicale donnée par leurs organisations représentatives: cette recommandation préconise que, lorsque des organismes responsables de la gestion des institutions publiques de formation et chargés de surveiller le fonctionnement existent, des représentants des organisations d’employeurs et de travailleurs devraient en faire partie; lorsque de tels organismes n’existent pas, des représentants des organisations d’employeurs et de travailleurs devraient participer d’une

autre manière à la création, à la gestion et à la surveillance de telles institutions.

3 La convention nº 151 traite aussi du règlement des différends collectifs de travail. Cette question est examinée aussi dans le chapitre 3.

4 Pour la commission d’experts, le droit de grève, bien qu’il ne soit pas mentionné expressément dans la convention nº 87, découle de son article 3 qui consacre le droit des organisations d’organiser leur activité et de formuler leur programme d’action.

5 Pour un panorama complet sur les principes des organes de contrôle sur le droit de grève, voir BIT: B. Gernigon, A. Odero et H. Guido: «Les principes de l’OIT sur le droit de grève», Revue internationale du Travail, vol. 137 (1998), nº 4.

6 Par exemple, une législation qui permet, en pratique, à l’employeur de mettre fin à l’emploi d’un travailleur, à condition de payer l’indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié alors que le motif réel est son affiliation ou son activité syndicale, n’est pas satisfaisante au regard de l’article 1 de la convention.

 

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