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COSYBU

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NÉGOCIATION COLLECTIVE

B. Gernigon, A. Odero et H. Guido 3

 

3.1. INTRODUCTION

L’une des principales missions de l’OIT consiste à promouvoir la négociation collective dans le monde entier. Cette mission lui a été confiée en 1944, par la Déclaration de Philadelphie qui fait partie de la Constitution de l’OIT et qui reconnaît «l’obligation solennelle pour l’Organisation internationale du Travail de seconder la mise en œuvre, parmi les différentes nations du monde, de programmes propres à réaliser […] la reconnaissance effective du droit de négociation collective». Ce principe a été consacré par la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, adoptée cinq ans plus tard, en 1949, et qui a obtenu depuis lors une adhésion quasi universelle en termes de ratifications, ce qui atteste de la force des

principes qu’elle énonce dans la majorité des pays.

Plus récemment, en juin 1998, l’OIT a fait un pas de plus en adoptant la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi. Il est dit dans ce texte que «l’ensemble des Membres, même lorsqu’ils

n’ont pas ratifié les conventions [fondamentales], ont l’obligation, du seul fait de leur appartenance à l’Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, les principes concernant les droits fondamentaux». Parmi ces principes figurent la reconnaissance effective du droit de négociation collective, de même que la liberté syndicale.

3.2. CONTENU DES NORMES RELATIVESÀ LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

3.2.1. Définition et objet de la négociation collective

Dans les instruments de l’OIT, la négociation collective se conçoit comme l’activité ou le processus qui a pour but la conclusion d’un accord ou d’une convention collective. Aux fins de la recommandation (nº 91) sur les conventions collectives, 1951, paragraphe 2, on entend par convention collective:

Tout accord écrit relatif aux conditions de travail et d’emploi conclu entre, d’une part, un employeur, un groupe d’employeurs ou une ou plusieurs organisations d’employeurs, et, d’autre part, une ou plusieurs organisations représentatives

de travailleurs, ou, en l’absence de telles organisations, les représentants des travailleurs intéressés, dûment élus et mandatés par ces derniers en conformité avec la législation nationale. Toujours selon la recommandation nº 91, toute convention collective

devrait lier ses signataires ainsi que les personnes au nom desquelles la convention est conclue, et les dispositions des contrats de travail individuels contraires à une convention collective devraient être considérées comme nulles et devraient être remplacées d’office par les dispositions correspondantes de la convention collective; toutefois, les dispositions des contrats de

travail individuels plus favorables aux travailleurs que celles que prévoit la convention collective devraient être respectées. La recommandation nº 91 a donc établi, en 1951, le principe de la force obligatoire des conventions collectives et de leur primauté sur le contrat de travail individuel, à l’exception des dispositions de ce dernier qui sont plus favorables aux travailleurs couverts

par la convention collective.

La convention nº 98 ne définit pas la convention collective, mais elle en fixe les caractéristiques fondamentales en son article 4:

Des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, […] être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs d’une part, et les organisations de travailleurs d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi.

Durant les travaux préparatoires relatifs à la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, il a été convenu que le mot «négociation» était interprété comme désignant «toute forme de discussion, formelle ou officieuse, destinée à aboutir à un accord» et que ce mot était préférable à celui de «discussion», car celui-ci «n’impliquait pas

l’idée de recherche d’un accord»1.

La convention (nº 154) sur la négociation collective, adoptée en 1981, délimite encore plus ce concept dans son article 2:

Le terme «négociation collective» s’applique à toutes les négociations qui ont eu lieu entre un employeur, un groupe d’employeurs ou une ou plusieurs organisations d’employeurs, d’une part, et une ou plusieurs organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de: 

a) fixer les conditions de travail et d’emploi, et/ou 

b) régler les relations entre les employeurs et les travailleurs; et/ou

 c)régler les relations entre les employeurs ou leurs organisations et une ou plusieurs organisations de travailleurs.

3.2.2. Parties à la négociation collective, destinataires et contenu

Comme on l’a vu, les instruments de l’OIT n’autorisent la négociation collective avec des représentants des travailleurs intéressés que s’il n’existe pas d’organisations syndicales au niveau en question (entreprise ou niveau supérieur). Ce principe est exprimé dans le paragraphe 2 déjà cité de la recommandation nº 91 et se trouve confirmé dans la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, qui dispose dans son article 5 que […] des mesures appropriées devront être prises, […] pour garantir que «la présence de représentants élus ne pourra servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentants». De même, la convention nº 154 dispose, dans son article 3, paragraphe 2, que «des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu’il y a lieu, pour garantir que la présence de ces représentants [des travailleurs] ne pourra servir à affaiblir la situation des organisations de travailleurs intéressées».

La possibilité, pour les représentants des travailleurs, de conclure des conventions collectives en l’absence d’une ou de plusieurs organisations représentatives des travailleurs a été prévue dans la recommandation nº 91 «en prenant en considération le cas des pays où les organisations syndicales n’ont pas encore atteint un degré de développement suffisant et afin que les principes posés par la recommandation puissent être appliqués dans ces pays»2.

Pour que les syndicats puissent atteindre l’objectif qu’ils se sont fixé de «promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs» en exerçant le droit à la négociation collective, ils doivent être indépendants et pouvoir organiser leurs activités en dehors de toute intervention des autorités publiques de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal (art. 3 et 10 de la

convention nº 87). En outre, ils ne doivent pas être placés «sous le contrôle d’un employeur ou d’une organisation d’employeurs» (art. 2 de la convention nº 98). La recommandation (nº 163) sur la négociation collective, 1981, dispose que, «pour autant qu’il est nécessaire, des mesures adaptées aux circonstances nationales devraient être prises en vue de faciliter la constitution et le développement, sur une base volontaire, d’organisations libres, indépendantes et représentatives d’employeurs et de travailleurs».

La convention nº 151 établit en son article 5 que «les organisations d’agents publics doivent jouir d’une complète indépendance à l’égard des autorités publiques», et la recommandation nº 91 rejette toute interprétation du concept de la négociation collective «impliquant la reconnaissance d’une organisation de travailleurs créée, dominée ou financée par des employeurs ou leurs représentants».

 

3.2.3. Exigence d’un certain niveau de représentativité

Il convient également d’examiner la question de savoir si la faculté de négocier est sujette à un niveau de représentativité déterminé.

La recommandation (nº 163) sur la négociation collective, 1981, énumère diverses mesures destinées à promouvoir la négociation collective, parmi lesquelles la reconnaissance des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs sur la base de critères objectifs et préalablement définis.

3.2.4. Droits de négociation préférentiels ou exclusifs

La recommandation (nº 159) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, dispose que, dans les pays qui appliquent des procédures de reconnaissance des organisations d’agents publics en vue de déterminer les organisations qui bénéficieront de façon préférentielle ou exclusive des droits visés dans la convention (notamment celui de négociation collective),

ladite détermination devrait être fondée sur des critères objectifs et préalablement définis relatifs au caractère représentatif des organisations.

3.2.5. Travailleurs couverts par la négociation collective

La convention nº 98 (art. 4-6) associe la négociation collective à la conclusion de conventions collectives en vue de régler les conditions d’emploi; elle établit que «la mesure dans laquelle les garanties prévues par la présente convention s’appliqueront aux forces armées ou à la police sera déterminée par la législation nationale» et précise que «la présente convention ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics»3 («commis à l’administration de l’Etat», précise le texte anglais de la convention).

3.2.6. Matières susceptibles de faire l’objet de la négociation collective

Les conventions nºs 98, 151 et 154 et la recommandation nº 91 axent le contenu de la négociation sur les conditions de travail et d’emploi, et sur la régulation des relations entre les employeurs et les travailleurs et entre les organisations d’employeurs et de travailleurs.

3.2.7. Principe de la négociation libre et volontaire

L’article 4 de la convention nº 98 prévoit expressément le caractère volontaire de la négociation collective qui constitue un aspect fondamental des principes de la liberté syndicale. Ainsi, la nécessité de promouvoir la négociation collective exclut le recours à la contrainte: lorsque la Conférence internationale du Travail a élaboré la convention nº 154, il fut entendu qu’aucune mesure de coercition ne devrait être prise à cette fin4.

3.2.8. Liberté de décider du niveau de la négociation

A cet égard, la recommandation nº 163 dispose que «des mesures adaptées aux circonstances nationales devraient, si nécessaire, être prises pour que la négociation collective soit possible à quelque niveau que ce soit, notamment ceux de l’établissement, de l’entreprise, de la branche d’activité, de l’industrie, ou aux niveaux régional ou national».

Les normes de l’OIT n’ont pas établi de critères rigides concernant l’articulation des relations entre les conventions collectives aux différents niveaux (qui peuvent comprendre l’économie en général, une branche d’activité ou d’industrie, une entreprise ou un groupe d’entreprises, un établissement ou une fabrique, et qui peuvent avoir, selon les cas, des champs géographiques différents). Le paragraphe 4 de la recommandation nº 163 prévoit que «dans les pays où la négociation collective se déroule à plusieurs niveaux, les parties à la négociation devraient veiller à ce qu’il y ait une coordination entre eux».

3.2.9. Le principe de la bonne foi 

Lors de l’élaboration de la convention nº 154, il a été relevé que la négociation collective ne pouvait fonctionner efficacement que si elle était conduite en toute bonne foi par les deux parties; toutefois, comme la bonne foi ne pouvait être imposée par la loi, «elle pouvait résulter d’efforts volontaires et continus des deux parties»5.

3.2.10. Procédures volontaires: mécanismes destinés à faciliter la négociation

La convention nº 154 encourage le développement de règles de procédure convenues entre les organisations d’employeurs et les organisations de travailleurs. Cela dit, les conventions et recommandations en matière de négociation collective admettent la conciliation et la médiation volontaires ou celles instituées par la législation, ainsi que l’arbitrage volontaire, conformément à ce qui est prévu dans la recommandation nº 92, selon laquelle: «des dispositions devraient être prises pour que la procédure puisse être engagée soit sur l’initiative de l’une des parties au conflit, soit d’office par l’organisme

de conciliation volontaire». La convention nº 154 établit clairement que ses dispositions «ne font pas obstacle au fonctionnement de systèmes de relations professionnelles dans lesquels la négociation collective a lieu dans le cadre de mécanismes ou d’institutions de conciliation et/ou d’arbitrage auxquels les parties à la négociation collective participent volontairement».

3.2.11. Interprétation et application des conventions collectives

La recommandation (nº 91) sur les conventions collectives, 1951, établit que les différends résultant de l’interprétation d’une convention collective devraient être soumis à une procédure de règlement appropriée, établie, soit par accord entre les parties, soit par voie législative, suivant la méthode qui correspond aux conditions nationales. Quant au contrôle de l’application des conventions collectives, elle prévoit qu’il devrait être assuré, soit par les organisations d’employeurs et de travailleurs parties aux conventions collectives, soit par les organismes existants ou des organismes constitués à cet effet.

3.2.12. Règlement des différends

La convention nº 151 énonce que «le règlement des différends survenant à propos de la détermination des conditions d’emploi sera recherché, d’une manière appropriée aux conditions nationales, par voie de négociation entre les parties ou par une procédure donnant des garanties d’indépendance et d’impartialité, telle que la médiation, la conciliation ou l’arbitrage, instituée de telle sorte qu’elle inspire la confiance des parties intéressées ». La convention nº 154 sur la négociation collective, qui a une portée générale, dispose que les organes et les procédures de règlement des conflits de travail soient conçus de telle manière qu’ils contribuent à promouvoir la négociation collective.

Sur cette question, la recommandation (nº 163) sur la négociation collective, 1981, applicable à toutes les branches de l’activité économique et au secteur de la fonction publique, établit que «des mesures adaptées aux circonstances nationales devraient, si nécessaire, être prises pour que les procédures de règlement des conflits du travail aident les parties à trouver elles-mêmes une solution aux conflits qui les opposent, qu’il s’agisse de conflits survenus pendant la négociation des accords, de conflits survenus à propos de l’interprétation et de l’application des accords ou de conflits visés par la recommandation sur l’examen des réclamations, 1967». La recommandation (nº 92) sur la conciliation et l’arbitrage volontaires, 1951, encourage les parties intéressées à s’abstenir de grèves et de lock-out tant que ces procédures sont en cours.

3.2.13. Droit à l’information

La recommandation nº 163 dispose que «des mesures adaptées aux circonstances nationales devraient être prises, s’il y a lieu, pour que les parties aient accès aux informations nécessaires pour pouvoir négocier en connaissance de cause». La recommandation ajoute que «les employeurs publics et privés devraient, à la demande des organisations de travailleurs, fournir, sur la situation économique et sociale de l’unité de négociation et de l’entreprise dans son ensemble, les informations qui sont nécessaires pour permettre de négocier en connaissance de cause. Au cas où la divulgation de certaines de ces informations pourrait porter préjudice à l’entreprise, leur communication pourrait être liée à un engagement de les considérer comme confidentielles autant qu’il est nécessaire; les informations à fournir pourraient être déterminées par un accord conclu entre les parties à la négociation collective… » En outre, «les pouvoirs publics devraient fournir les informations nécessaires sur la situation économique et sociale globale du pays et de la branche d’activité intéressée, dans la mesure où la divulgation de ces informations n’est pas préjudiciable à l’intérêt national». 

Cette recommandation préconise aussi des mesures pour que les négociateurs aient la possibilité de recevoir une formation adéquate.

3.2.14. Extension des conventions collectives

La recommandation nº 91 associe à la procédure d’extension les organisations de travailleurs et d’employeurs représentatives, ainsi que les employeurs et travailleurs concernés par l’extension.

3.2.15. La négociation collective dans l’administration de l’Etat

 La reconnaissance des droits de négociation collective des organisations de fonctionnaires et des employés de l’Etat est aujourd’hui une réalité dans les pays industrialisés et elle l’est de plus en plus dans les pays en développement. La convention nº 98, adoptée en 1949, exclut de son champ d’application les fonctionnaires publics commis à l’administration de l’Etat, mais la convention nº 151, adoptée en 1978, a constitué une importante avancée en faisant obligation aux Etats de promouvoir les procédures de négociation ou toutes autres méthodes permettant aux représentants des agents publics de participer à la détermination de leurs conditions d’emploi. En effet, l’article 7 de la convention nº 151 dispose que «des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures permettant la négociation des conditions d’emploi entre les autorités

publiques intéressées et les organisations d’agents publics, ou de toute autre méthode permettant aux représentants des agents publics de participer à la détermination desdites conditions». Conformément à l’article 1 de la même convention, les seules catégories qui peuvent être exclues (outre les forces armées et la police, tout comme dans les conventions antérieures) sont

«les agents de niveau élevé dont les fonctions sont normalement considérées comme ayant trait à la formulation des politiques à suivre ou à des tâches de direction et les agents dont les responsabilités ont un caractère hautement confidentiel». 

Peu après, en 1981, fut adoptée la convention nº 154 qui encourage la négociation collective tant dans le secteur privé  que dans l’administration publique (à l’exception des forces armées et de la police), la seule réserve étant que la législation ou la pratique nationales «peuvent fixer des modalités particulières d’application» de la convention dans l’administration publique. L’Etat Membre qui la ratifie ne peut plus se limiter à la méthode de la consultation. Il doit promouvoir la négociation collective en vue de fixer des conditions de travail et d’emploi, entre autres objectifs. L’extension du champ d’application de la convention nº 154 au secteur de la fonction publique a été facilitée par le fait que, à la différence de la convention nº 98, cet instrument ne prévoit pas de régler les conditions d’emploi au moyen de «conventions collectives» (qui ont valeur de loi dans beaucoup de pays, alors que les «accords collectifs» n’ont pas cette force obligatoire dans certains pays). Une telle disposition aurait empêché que le champ d’application de la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981, soit étendu au secteur de la fonction publique, compte tenu de l’opposition des Etats qui, tout en étant disposés à reconnaître la négociation collective dans le secteur de la fonction publique, ne sont pas prêts à renoncer au régime statutaire. D’autres manifestations de souplesse peuvent être trouvées dans la convention nº 154 quand elle prône que «la négociation collective soit progressivement étendue à toutes les matières couvertes» par cette convention ou quand elle stipule que son application peut être assurée par voie de conventions collectives, par voie de sentences arbitrales ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale et, à défaut, par voie de législation nationale.

3.3. SYNTHÈSE DES PRINCIPESDE LA COMMISSION D’EXPERTS

Les normes et les principes concernant le droit de négociation collective résultant des conventions, recommandations et autres instruments pertinents de l’OIT et des principes établis par la commission d’experts à partir de ces instruments peuvent être résumés de la manière suivante.

● Le droit de négociation collective est un droit fondamental accepté par les Membres de l’OIT du seul fait de leur appartenance à l’Organisation, qu’ils ont l’obligation de respecter, promouvoir et réaliser de bonne foi (Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi).

● L’exercice du droit de négociation collective appartient, d’une part, aux employeurs et à leurs organisations et, d’autre part, aux organisations de travailleurs (syndicats de base, fédérations et confédérations). Ce n’est qu’en l’absence de telles organisations que les représentants des travailleurs intéressés peuvent entreprendre des négociations collectives.

● La reconnaissance du droit de négociation collective a une portée générale tant dans le secteur privé que dans le secteur public et seuls peuvent être exclus de ce droit les forces armées, la police et les fonctionnaires publics commis à l’administration de l’Etat (convention nº 98)6.

● La négociation collective a pour objet les conditions de travail et d’emploi au sens large et la régulation des relations entre les parties.

● Les accords ou conventions collectifs lient leurs signataires et sont censés pouvoir fixer des conditions de travail plus favorables que les conditions prévues par la loi; les contrats individuels ne doivent pas être privilégiés par rapport aux conventions collectives, sauf pour ce qui concerne des dispositions plus favorables des contrats individuels.

● Pour que l’exercice du droit de négociation collective soit effectif, il faut que les organisations de travailleurs soient indépendantes et ne soient pas placées sous le contrôle d’un employeur ou d’une organisation d’employeurs et que le processus de négociation collective se déroule sans ingérence injustifiée des autorités.

● Le syndicat qui représente la majorité ou un pourcentage élevé de travailleurs d’une unité de négociation peut jouir de droits préférentiels ou exclusifs de négociation, mais, dans le cas où aucun syndicat ne réunirait ces conditions ou bien ne jouirait de tels droits exclusifs, les organisations de travailleurs devraient au minimum pouvoir négocier une convention ou un accord collectif au nom de leurs membres.

● Le principe de la bonne foi dans la négociation collective implique des efforts volontaires et continus des deux parties.

● Le caractère volontaire de la négociation collective étant un aspect fondamental des principes de la liberté syndicale, la négociation collective ne peut être imposée aux parties et les mécanismes destinés à faciliter la négociation doivent avoir en principe un caractère volontaire. Cependant, le niveau des négociations ne doit pas être imposé unilatéralement par la législation ou les autorités, car les négociations doivent pouvoir avoir lieu à quelque niveau que ce soit.

● La conciliation et la médiation imposées par la législation dans le cadre du processus de négociation collective sont admissibles à condition de s’inscrire dans des délais raisonnables. En revanche, l’arbitrage obligatoire au cas où les parties n’arrivent pas à un accord est en règle générale contraire au principe de la négociation collective volontaire et il est uniquement admissible: 

1) dans les services essentiels au sens strict du terme (les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la  santé de la personne); 

2) à l’égard des fonctionnaires dont les activités sont propres à l’administration de l’Etat; 

3) lorsque, après des négociations prolongées et infructueuses, il devient évident que l’on ne sortira pas de l’impasse sans une initiative des autorités; et 

4) en cas de crise nationale aiguë. L’arbitrage accepté par les deux parties (volontaire) est toujours légitime.

● Sont contraires au principe de la négociation collective volontaire les interventions des autorités législatives ou administratives qui ont pour effet d’annuler ou de modifier le contenu des conventions collectives librement conclues, y compris le contenu des clauses concernant les salaires.

● Les limitations au contenu des négociations collectives futures, notamment en matière de salaires, imposées par les autorités en vertu de politiques de stabilisation économique ou d’ajustements structurels, rendues nécessaires par des raisons impérieuses de nature économique, sont admissibles dans la mesure où de telles limitations sont précédées de consultations avec les organisations de travailleurs et d’employeurs et remplissent les conditions suivantes: s’appliquer à titre exceptionnel, se

limiter à l’indispensable, ne pas dépasser une période raisonnable et s’accompagner de garanties destinées à protéger effectivement le niveau de vie des travailleurs intéressés, et particulièrement ceux qui seront les plus touchés.

 

3.4. APPLICATION DES NORMESET DES PRINCIPES DANS LA PRATIQUE

Les observations de la commission d’experts relatives à l’application de la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, permettent de constater que la grande majorité des Etats qui l’ont ratifiée l’applique de manière satisfaisante, ce qui montre qu’il s’agit d’un droit presque universellement reconnu en droit et en pratique.

A cet égard, dans ses rapports pour 2000 et 2001, la commission d’experts a adressé des observations critiques à un tiers de gouvernements sur les 148 qui ont ratifié la convention nº 98. Les problèmes les plus souvent mentionnés concernent le refus du droit de négociation collective à tous les fonctionnaires ou à certains d’entre eux qui ne travaillent pas dans l’administration

de l’Etat (19 pays) et l’imposition aux organisations syndicales de représenter une proportion trop élevée de travailleurs pour être reconnues ou pour pouvoir négocier collectivement (11 pays). Vient ensuite le fait qu’un nombre important de pays subordonnent la négociation collective à la politique économique du gouvernement (huit pays). Enfin, certains pays excluent certaines matières de la négociation collective (six pays), la soumettent à l’arbitrage obligatoire dans certains cas (six pays), limitent la liberté des parties de déterminer le niveau de la négociation collective (trois pays) ou interdisent la négociation collective à des catégories particulières de travailleurs du secteur privé (deux pays) ou aux fédérations et confédérations syndicales (quatre pays).

Notes

1 BIT: Compte rendu des travaux, 64e session de la Conférence internationale du Travail (1978), paragr. 64-65, p. 25/10, Genève.

2 BIT: Compte rendu des travaux, 34e session de la Conférence internationale du Travail (1951), annexe VIII, p. 633, Genève.

3 Au sujet de cette catégorie de fonctionnaires, la commission d’experts a signalé qu’elle «ne peut […] envisager que des catégories importantes de travailleurs qui sont employés par l’Etat puissent être privées des avantages de la convention du seul fait qu’elles sont formellement assimilées à certains fonctionnaires publics commis à l’administration de l’Etat. Il convient donc d’établir une distinction: d’une part, les fonctionnaires dont les activités sont propres à l’administration de l’Etat (par exemple, dans certains pays, les fonctionnaires des ministères et autres organismes gouvernementaux comparables, ainsi que leurs auxiliaires), qui peuvent être exclus du champ d’application de la convention; d’autre part, toutes les autres personnes employées par le gouvernement, les entreprises publiques ou les institutions publiques autonomes qui devraient bénéficier des garanties de la convention.» BIT: Liberté syndicale et négociation collective. Etude d’ensemble des rapports sur la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Rapport de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations. Rapport III (partie 4B), 81e session de la Conférence internationale du Travail (1994), paragr. 200, Genève.

4 BIT: Compte rendu des travaux, 67e session de la Conférence internationale du Travail

(1981), p. 22/7, Genève.

5 Ibid., p. 22/11, paragr. 91.

6 Néanmoins, lorsqu’un Etat ratifie la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981, le droit de négociation collective est aussi applicable au secteur de la fonction publique avec la possibilité de fixer des modalités particulières d’application. La convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, permet, dans le secteur de la fonction publique, de choisir entre la négociation collective et d’autres méthodes pour déterminer les conditions d’emploi.

 

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